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12 avril 2019 5 12 /04 /avril /2019 14:45

 

L'article reproduit ci-dessous, intitulé «L’Internationale communiste et le monde arabe», a été publié par le Parti des Travailleurs / Tunisie en mars 2019.  Il sera traduit et publié dans les versions de l'organe officiel de la Conférence internationale des partis et organisations marxistes-léninistes» (CIPOML), en espagnol «Unidad y Lucha», en anglais «Unity and Struggle» et en français «Unité et lutte».

Reconstruction communiste Canada - antonio.artuso.over-blog.com - pueblo@sympatico.ca

 

 

L’Internationale Communiste et le monde arabe

A la mémoire de Mokhtar Ayari, ouvrier communiste,
fondateur de cellule communiste de Tunisie en 1920
et cofondateur du premier syndicat autonome
des ouvriers de Tunisie : la CGTT en 1924.

Introduction

La IIème Internationale était plutôt une organisation européenne. Elle n’a pas réservé grand intérêt au reste du monde formé essentiellement des colonies des puissances impérialistes européennes. La question nationale et coloniale n’y était abordée que de façon subsidiaire et marginale. Et c’est là l’un des aspects qui sera critiqué et dénoncé par la social-démocratie révolutionnaire. Aussi les fondateurs de la IIIème Internationale vont-ils en faire un point de démarcation, en accordant l’intérêt qu’il faut à cette question et en développant une stratégie et des tactiques qui font des mouvements de libération nationale y compris ceux des peuples arabes une composante essentielle de la lutte anti-impérialiste et pour le socialisme à l’échelle mondiale.

Quelle analyse l’IC fera-t-elle des développements que connaitra le monde arabe dans les années 20 et 30 du siècle dernier, et quel type d’aide apportera-t-elle aux partis communistes arabes naissants pour qu’ils puissent une part active et résolue prendre part dans ces développements ?

  1. La faillite de la IIème Internationale et la naissance de l’Internationale Communiste (IC)

Le 4 août 1914, les principaux partis socialistes s'engageaient dans l'Union Sacrée : la II° Internationale était morte comme organisation révolutionnaire. Lénine tire les enseignements de cette défaite et trace les perspectives de l’avenir.

Le communiqué publié le 1er novembre 1914 par le CC du POSDR dans le journal « le Social-démocrate » se termina ainsi : « L’internationalisme prolétarien n’est pas mort et ne mourra jamais, et les masses prolétariennes, en dépit de tous les obstacles, créeront une nouvelle Internationale. ». C’était là le premier jalon posé sur le chemin de la fondation de l’IC.

Dans un article paru dans le même numéro, Lénine définit ainsi les objectifs de l’Internationale à venir : « … Quant à la IIIème Internationale, elle devra s’atteler à organiser les forces du prolétariat dans le but d’arracher le pouvoir des mains des gouvernements bourgeois et déclencher la guerre civile contre la bourgeoisie dans les différents pays pour la conquête du pouvoir et la construction du socialisme. » Et l’article s’acheva sur ces mots : « La IIème Internationale est morte, tuée par l’opportunisme. A bas l’opportunisme et vive la IIIème Internationale. »

Un peu plus tard, les congrès de Zimmerwald (05/08 septembre 1915) et de Quental (24/30 avril 1916) furent des moments importants sur le chemin de la IIIème Internationale, mais c’est la victoire de la Grande Révolution d’Octobre qui en fut le pas décisif. En effet, l’IC fut fondée au lendemain de la victoire de la Grande Révolution d’Octobre et en pleine effervescence de la constitution des partis communistes de par le monde. Elle fut à la fois un rassemblement des partis communistes, mais aussi comme un seul parti unifié et régi par les principes du centralisme démocratique.

Ce sont ses congrès (sept au total) qui se tenaient de façon régulière et où étaient représentées toutes les sections de l’IC, quels qu’en soient l’importance numérique ou le poids politique, qui déterminaient ses politiques.

Aussi, l’IC n’était pas seulement un choix stratégique pour le mouvement communiste international mais aussi une nécessité historique pour l’organisation de ce mouvement en un seul et même courant révolutionnaire capable de faire mûrir les conditions pour la victoire du prolétariat à l’échelle mondiale. En effet, le mouvement communiste naissant ne pouvait se développer avec la rapidité et l’efficacité nécessaires en dehors d’une organisation révolutionnaire qui mettrait au profit de tous, les potentialités de tous. De même il ne pouvait se développer en dehors d’une rupture révolutionnaire avec tous les courants opportunistes, social-chauvins qui germaient et campaient au sein de la IIème Internationale.

Contrairement à la IIème Internationale, l’IC était réellement une organisation internationaliste qui n’était pas limitée aux révolutionnaires et aux prolétaires des pays développés mais à laquelle pouvaient adhérer les révolutionnaires et prolétaires de tous les pays du monde y compris ceux des colonies et semi-colonies. C’est l’une des raisons qui permettra à l’IC de développer des politiques révolutionnaires à propos de la question de libération nationale dans ces pays, à la lumière du principe léniniste sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Sur les traces de la Révolution d’Octobre victorieuse, l’IC a appelé à mutualiser les forces du socialisme triomphant en Russie, du prolétariat en lutte pour le socialisme dans les pays impérialistes et le mouvement de libération nationale dans les pays coloniaux et semi-coloniaux.

Au lendemain d’Octobre 1917, on assistera à la constitution de partis communistes dans les pays d’Europe en rupture avec la social-démocratie. Et le 2 mars 1919 s’ouvre le 1er congrès de l’IC.

 

  1. L’IC et la question nationale et coloniale

Même si la question nationale et coloniale ne figurait pas comme point indépendant dans l’ordre du jour du 1er congrès de l’IC, elle fut présente dans tous les débats comme en témoignent les extraits suivant de la Déclaration finale de ce congrès :

 « La dernière guerre, qui a été dans une large mesure une guerre pour la conquête des colonies, fut en même temps une guerre faite avec l’aide des colonies. Dans des proportions jusqu’alors inconnues les peuples coloniaux ont été entraînés dans la guerre européenne. Les Hindous, les Nègres, les Arabes, les Malgaches se sont battus sur la terre d’Europe, au nom de quoi ? Au nom de leurs droits à demeurer plus longtemps esclaves de l’Angleterre et de la France. Jamais encore le spectacle de la malhonnêteté de l’Etat capitaliste dans les colonies n’avait été aussi édifiant ; jamais le problème de l’esclavage colonial n’avait été posé avec une pareille acuité. »

Et le soutien aux luttes des peuples opprimés est clairement exprimé dans cette même déclaration :

 « L’internationale prolétarienne et communiste, contrairement à l’internationale socialiste jaune, apportera son appui aux peuples exploités des colonies dans leurs luttes contre l’impérialisme, dans le but d’accélérer la destruction définitive du système impérialiste mondial ».

Toujours est-il qu’il faudra mentionner que ce sont surtout les délégués du Bureau Central des organisations communistes des peuples d’orient qui ont été les plus entreprenants à aborder la question.  Palimov insista auprès des délégués du premier congrès d’inscrire à l’ordre du jour de l’IC la question du réveil de l’orient comme un point essentiel dans son programme de lutte, et il affirma ce qui suit : « Quand l’Orient s’insurgera et tendra sa main à l’Occident socialiste, l’impérialisme se retrouvera encerclé et l’heure de la victoire sonnera alors pour le socialisme ». La même idée est reprise par Mostafa Sobhi, délégué de la section de Turquie qui s’exprima ainsi : 

« Si le capital français et britannique est installé en Europe, son ventre au contraire se trouve dans les champs riches d’Asie. Mais si la Turquie, l’Iran, l’Inde et la Chine ferment leurs portes devant les produits industriels français et britanniques, cela va engendrer une crise profonde qui aura entre autres conséquences la conquête du pouvoir par le prolétariat et l’établissement du socialisme dans ces pays d’Europe. »

Mais comme c’était la situation révolutionnaire dans les pays d’Europe qui a focalisé l’attention des délégués, la déclaration finale refléta plutôt une position contestable sur la question puisqu’elle subordonne la libération des pays colonisés à la victoire de la révolution prolétarienne en Europe.

« Les ouvriers et les paysans non seulement de l’Annam, d’Algérie ou du Bengale, mais encore de Perse et d’Arménie, ne pourront jouir d’une existence indépendante que le jour où les ouvriers d’Angleterre et de France, après avoir renversé Lloyd George et Clemenceau, prendront entre leurs mains le pouvoir gouvernemental.

« Si l’Europe capitaliste a entraîné malgré elles les parties les plus arriérées du monde dans le tourbillon des relations capitalistes, l’Europe socialiste à son tour viendra secourir les colonies libérées avec sa technique, son organisation, son influence morale, afin de hâter leur passage à la vie économique régulièrement organisée par le socialisme.

Esclaves coloniaux d’Afrique et d’Asie : l’heure de la dictature prolétarienne en Europe sonnera pour vous comme l’heure de votre délivrance. »

C’est le 2è congrès de l’IC (été 1920) qui va rectifier le tir et développer la stratégie et les tactiques de l’IC sur la question nationale et coloniale. En effet, la lutte pour la libération nationale est depuis ce congrès considérée comme une composante essentielle de l’ensemble du combat révolutionnaire à l’échelle mondiale. Ce congrès a examiné la question des alliés possibles du prolétariat dans sa lutte aussi bien anti-impérialiste que pour la libération sociale. Aussi a-t-il longuement abordé la question agraire et la question nationale et coloniale. Et c’est Lénine lui-même qui proposa les projets de résolutions sur les deux questions. Il a défendu l’idée de la nécessite de l’alliance du prolétariat et de la paysannerie aussi bien à l’échelle de chaque pays qu’à l’échelle mondiale, d’où l’importance de la question nationale et coloniale, les populations des colonies et semi-colonies étant essentiellement paysannes. Ce qui l’a mené à conclure que la lutte pour la libération nationale est devenue partie prenante de la lutte mondiale pour le socialisme. Les partis communistes dans les pays développés sont appelés à porter main forte à leurs homologues dans les colonies, et ceux-ci sont appelés à soutenir la lutte de libération nationale, même quand elle est dirigée par la bourgeoisie nationale. Mais il leur est demandé aussi d’affermir les liens avec la paysannerie en lutte contre les grands propriétaires terriens pour donner un caractère révolutionnaire à ces luttes.

Le 3è congrès de l’IC (été 1921) ne consacra pas une résolution particulière à la question. Il se contenta de rappeler l’importance de la mise en application de ce qui a été adopté par le 2è congrès. C’est plutôt le congrès constitutif de l’Internationale Syndicale Rouge tenu à la même période qui accorda une importance particulière à la question nationale et coloniale. En plus de la résolution qu’il adopta sur la question, il adressa un appel à toutes les organisations syndicales révolutionnaires des pays développés à porter le plus grand intérêt au développement de la lutte révolutionnaire dans les pays d’orient et à soutenir par tous les moyens les organisations syndicales dans ces pays.

Quant au 4è congrès de l’IC, il posa la tactique du front uni aussi bien dans les pays capitalistes que pour les colonies où celui-ci prend le caractère de front anti-impérialiste. Après de longs débats qui passèrent en revue la situation dans la plupart des pays d’orient, une « Résolution générale sur la question d’orient » fut adoptée.

Le 5è congrès de l’IC publia une adresse particulière aux peuples d’orient qui indiqua que « la libération finale des opprimés de l’orient et des exploités de l’occident ne sera possible que par leur lutte commune contre l’impérialisme ». Malgré cet intérêt, le congrès a adressé une critique aux partis communistes et à l’IC même qui au lieu d’être « l’organisation de la révolution mondiale, elle a porté plus d’intérêt aux questions de la révolution en occident qu’à celles des pays d’orient ».

 

  1. L’impact de la révolution d’octobre dans le monde arabe

Mais comment se présentait la situation du « monde arabe » au moment où naissait l’IC ? Et quel fut l’impact de la victoire de la Révolution d’Octobre dans ces contrées ?

Rappelons tout d’abord que le « monde arabe » ne constituait pas en 1917 une entité géopolitique homogène, mais seulement une aire civilisationnelle où la langue arabe était un moyen de communication et de culture arabo-musulmane, et dont une grande partie était depuis quelques siècles sous la domination ottomane, mais qui était également sous la convoitise des puissances coloniales de l’Occident, principalement la France et la Grande Bretagne, et de façon secondaire l’Espagne et l’Italie. Il faisait donc partie de ce monde colonial ou semi-colonial dominé politiquement et économiquement par les puissances impérialistes.

Mais la différence des modalités de domination (colonisation directe, protectorat, mandat…) influait sur l’importance de la présence de l’élément européen dans ces contrées, il en va de même pour la propagation des idées nouvelles qui se développaient en Occident.

En effet, dans l’Orient arabe disputé entre les puissances impérialistes britannique et française, la pénétration par les idées bolcheviques allait se faire souvent de façon moins indirecte et de manière relativement autonome par rapport aux Partis Communistes des puissances coloniales. C’est le cas de l’Egypte et du Croissant fertile. Dans le reste des pays arabes, le communisme était plutôt le choix de groupuscules qui regroupaient surtout des Européens, des minoritaires et des intellectuels, sachant que la classe ouvrière était encore embryonnaire.  Aussi, la pénétration du communisme n’a été que très rarement le fait de partis communistes puissants avec une forte assise prolétarienne, l’exception est celle du Soudan et de l’Irak. Mais le congrès des peuples d’orient tenu à Bakou en 1920 donnera une impulsion à cette dynamique ainsi que l’intérêt que portera l’IC à la question de la libération des peuples colonisés.

Rappelons que l’un des signes forts montrés par la Russie bolchevik a été la divulgation et la dénonciation des négociations secrètes menées par Mark Sykes et François Georges-Picot dans le dos des peuples arabes et engagées pour le partage du Moyen Orient une fois la guerre finie, trahissant les promesses de la réalisation d’un Etat arabe en échange de leur lutte contre les Ottomans, même si la dénonciation de ces plans secrets n’a pas changé le cours de l’histoire.

Le Komintern apportera son soutien à de multiples petits partis communistes nés un peu partout dans les pays arabes ; et il persévère dans sa littérature à propager les informations sur les mouvements ouvriers et paysans, les grèves et les révoltes. Ces partis ne jouirent jamais des conditions exceptionnelles qui ont permis à leurs analogues en Chine et en Indonésie notamment à se développer de manière puissante. Des erreurs seront enregistrées dans l’application des tactiques générales préconisées par le Komintern : dans les périodes où le celui-ci préconisait la tactique classe contre classe, au niveau local, on prêcha la lutte sociale interne, sans tenir compte de la nécessité de sauvegarder l’unité du front nationaliste anti-impérialiste. Dans les périodes où prévalait la tactique du front unique, l’alliance avec les classes moyennes des pays colonisateurs mettait en veilleuse les revendications nationales des pays colonisés.

En Egypte, au lendemain de la guerre, des étrangers enthousiasmés par la révolution d’octobre créèrent des cercles d’étude et entrèrent en contact avec les socialistes égyptiens. Ensemble ils ont constitué dès 1920 une première organisation socialiste qui prend le nom de PSE en 1921. Le PCE est fondé grâce à l’apport non négligeable du mouvement socialiste dont Salamé Moussa est l’un des principaux animateurs. Il s’affilia au Komintern en 1923 dont il adopta les thèses. En février-mars 1924, quelques semaines après l’arrivée au pouvoir du Wafd, une grève générale lancée à Alexandrie par la Confédération nationale des travailleurs égyptiens créée en 1921 à partir de 90 syndicats, a été durement réprimée. Les leaders du mouvement ont été déférés devant les tribunaux et condamnés. Le Parti communiste, décapité, a cessé d’exister et d’avoir un rôle particulier dans le monde égyptien. Dans l’entre deux guerres, se sont reconstituées des forces marxistes, multiples, chacune se proclamant dépositaire du seul marxisme authentique.

Dans le Croissant fertile, le Parti communiste ne fut fondé qu’après le mandat français, en 1924, par quelques intellectuels influencés par les idées révolutionnaires de 1917 mais aussi par des marxistes français et certains syndicalistes qui avaient donné à leur activité syndicale un contenu politique socialiste. Le parti naissant s’était aussitôt répandu en Syrie et au Liban tous deux sous mandat français. Le parti demanda au Komintern de renoncer à l’appellation de PC pour Parti du Peuple, ce qui lui fut refusé par le 6ème Congrès. Dès cette époque, il a recherché et appelé à de vastes alliances politiques autour des questions nationales et sociales en réponse aux exigences du moment. Les communistes libanais et syriens appliquaient la politique d’alliance avec la bourgeoisie locale pour l’aboutissement des revendications nationales. Parmi ces questions ont figuré le soutien à la révolution syrienne de 1925-1926 et aux petits producteurs. Il a œuvré aussi en vue de consolider une unité arabe sur une base démocratique.

Une nouvelle génération de militants est apparue dans les années 33-34, éduqués en URSS, ils remplacèrent les anciennes générations dans le Liban-Syrie sous mandat français. La participation des communistes au Front populaire avait permis le fonctionnement légal du PC du Levant, la publication de journaux, la création d’organisations de masse animées par des communistes, le développement du syndicalisme où il puisa ses forces.

En Algérie, paraît en mai 1926 le premier numéro du journal « al Alam Al Ahmar » (Le Drapeau Rouge) annonçant l’Etoile Nord Africaine. Une organisation qui se voulait de masse fut donc créée lors de l'assemblée générale du 20 juin 1926 par des communistes algériens, membres du Parti communiste français (PCF), tels, à l'époque, Abdelkader Hadj Ali et Messali Hadj. Elle se présentait comme une section spéciale de l'Union Inter Coloniale du PCF. Le PCF imposa aux Algériens en septembre 1926 le mot d’ordre d’indépendance et l’introduit dans le programme de l’Etoile Nord Africaine sous l'impulsion de l'Internationale communiste. Les hésitations à le reprendre éclaire sur les composantes du nationalisme algérien à cette époque. L'idée d'indépendance nationale est donc née dans l'émigration à Paris, au moment où, en Algérie, l'idéologie assimilationniste dominait.

Au Congrès anti-impérialiste, organisé par l'Internationale communiste qui se tint à Bruxelles, en Belgique, du 10 au 15 février 1927, l'Etoile nord-africaine a réclamé l'indépendance de l'Afrique du Nord par la voix de Messali Hadj, son secrétaire général. Les autorités françaises dénoncèrent la menace pour l’Autorité de l’Etat et décrétèrent la dissolution de l'ENA le 20 novembre 1929.

Au Maroc, la seule action d’importance qu’ont organisée les communistes en dehors des cercles d’études fut la campagne contre la guerre du Rif. Ce fut la première fois que l’anticolonialisme devint un argument de mobilisation des ouvriers français. La proclamation officielle de la République du Rif, le 1er juillet 1923 communiquée à la Société Des Nations en langue anglaise et empruntant sa formulation au droit international, n’a été pourtant qu’un des moments de la résistance du peuple marocain à sa domination. Elle fut effective dès la vacance symbolique et effective du pouvoir central après la Conférence d’Algésiras en 1906 et se poursuivit les armes à la main jusqu’en 1933 où la politique de corruption de certains chefs de tribus et la répression militaire ont eu raison d’elle momentanément et imposé la ‘pacification’.

Dans le même temps fut affirmé le droit à l’indépendance du Maroc et des liens sont établis entre la révolution chinoise et le Rif. Un effort fut déployé pour démentir l’image du barbare et montrer en Abdelkrim le chef d’une république moderne. Cela répondait bien aux injonctions du Komintern de faire progresser l’idée neuve de ‘l’union du prolétariat et des peuples coloniaux’. Différents thèmes, à partir du 27 mai 1925, allaient être proposés aux conférenciers afin de les articuler pour tenir des meetings et des rassemblements.

- La guerre de 14-18 n’est pas la dernière, elle continue au Maroc causant des milliers de morts et engloutissant des millions.

- C’est une « vraie guerre » mobilisant 200 000 hommes et grosse de futurs conflits en raison des rivalités impérialistes.

- C’est une guerre de banquiers de pillage des richesses du sous-sol. Elle a été délibérément provoquée malgré la paix proposée par Abdelkrim.

- Les ouvriers et les paysans en feront les frais, ils seront livrés à la nouvelle tuerie et la ruine financière de la France pèsera sur eux.

- Le cartel des Gauches agit en serviteur de l’impérialisme français avec l’appui de chefs réformistes contre un peuple devenu le symbole des opprimés.

En Tunisie, la section communiste voit le jour dès 1920. Des délégués locaux étaient présents au Congrès de Tours qui vit la naissance du PCF. La même année, Mokhtar Ayari, ouvrier et syndicaliste et l’un des fondateurs de cette cellule, lança un journal communiste en langue arabe, « l’Ami du Peuple » pour répandre les idées communistes et faire connaitre les exploits de la Grande Révolution d’Octobre. Il sera quatre ans plus tard l’un des fondateurs d’une centrale syndicale autonome : la Confédération Générale des Travailleurs de Tunisie.  Celle-ci sera combattue par tous : le pouvoir colonial, les partis nationalistes tunisiens, les social-chauvins français et les syndicats jaunes de la place, la CGT restée sous le contrôle des socialistes après le congrès de Tours. Elle brilla par son absence totale des luttes menées par les travailleurs tunisiens et dénonça la constitution du syndicat tunisien sous prétexte qu’il participerait à la division de la force du travail face au capital uni. Selon Durel, son secrétaire local « seule l’intolérance raciale et religieuse empêcherait les ouvriers tunisiens de rejoindre l’USF » (l’Union Syndicale Française, section de la CGT en Tunisie),  ce à quoi répond un des fondateurs de la CGTT :

 « Rien ne vous interdit de rejoindre le syndicat tunisien puisqu’il se prépare à rejoindre l’Internationale (syndicale), conformément aux principes ouvriers mondialement établis. Ainsi nous éviterons la division dont vous craignez les risques. Dans tous les pays de la planète, la formation des syndicats obéit à la conformation des peuples. Chaque nation dispose d’une organisation reconnue par l’Internationale. Pourquoi la Tunisie ne serait-elle pas reconnue nation parmi les nations – ce qu’elle est en réalité, si elle n’était assimilée à une terre française. Dans ces conditions, rien ne nous empêcherait de nous unir sinon votre qualité de protecteurs qui vous interdit de condescendre à nous considérer comme vos égaux. Quant à l’expérience professionnelle et syndicale, dont vous déplorez l’absence chez les autochtones, je ne la nie pas. Nul doute que si vous nous rejoignez, elle sera comblée.  Nous ne sommes que des travailleurs »

Et la Palestine alors ? C’est ce que nous examinons dans la dernière section.

 

  1. L’IC et la Palestine

Rappelons de prime abord que le mouvement ouvrier révolutionnaire avait stigmatisé le mouvement sioniste dès son apparition à la fin du 19è siècle. Ses dirigeants comme Bebel, Lénine et Kautsky l’avaient dénoncé comme un mouvement et une doctrine ultraréactionnaire au service de la bourgeoisie juive alliée de l’impérialisme mondial.

L’IC hérita de cette position et continua à dénoncer le projet sioniste. Au moment où les impérialistes commencèrent à organiser les vagues d’émigration massive des juifs vers la Palestine, l’IC dénonça cette politique qu’elle considéra comme « une idée utopique, petite-bourgeoise et réactionnaire qui cherche à détourner les prolétaires de confession juive de la lutte des classes ». Et le Comité Exécutif de l’IC proclama son soutien à la lutte des masses arabes en Palestine contre le camp impérialiste et sioniste.

Dans le même cadre, le jeune État soviétique, quelques mois seulement après sa naissance dénonça les intrigues des sionistes et leurs protecteurs impérialistes à l’égard de la Palestine. En décembre 1919, le Commissariat du peuple pour les questions nationales publia, au nom des juifs de Russie, une déclaration qui indiquait que « les sionistes tentent d’expulser les arabes de la Palestine pour y établir un État juif… Les masses laborieuses juives de la République Socialiste de Russie défendent leur patrie socialiste sur le front à côté des ouvriers et des paysans de Russie contre les pays impérialiste de l’Entente et leurs agents… Nous n’avons nullement besoin d’un autre pays et nous n’avons aucun droit national sur la Palestine. Nous reconnaissons que ces droits nationaux appartiennent entièrement aux masses laborieuses arabes et bédouines de Palestine».

En Palestine, l’IC se trouva devant une question coloniale d’un type particulier, puisque il ne s’agissait pas sur la terre palestinienne de l’opposition entre deux forces : un occupant impérialiste, en l’occurrence la Grande Bretagne et une force de libération nationale, le peuple palestinien, mais une troisième force y interférait : les hordes sauvages du mouvement sioniste lancées contre la Palestine et soutenues par tous les impérialismes. Et l’IC naissante devait se prononcer non seulement vis-à-vis de cette question aussi compliquée, mais devait également soutenir sans équivoque sa section palestinienne qui venait de maître : Le parti communiste palestinien est en effet le plus ancien des partis communistes arabes, fondé en 1919. Cette fondation précoce explique la présence en son sein d’un grand nombre d’émigrés juifs d’Europe et installés en Palestine. Il va connaître différentes phases de développement et souffrira de différentes divisions. La tâche des communistes juifs était soumise à la contradiction majeure qu’il leur fallait lutter contre le sionisme grâce auquel ils étaient présents et maintenus sur cette terre en voie de colonisation. Au moment où lui fut donnée la consigne de s’arabiser, c’est-à-dire d’intégrer des Palestiniens, beaucoup le quittèrent.

Le Parti Communiste Palestinien, qui célèbre cette année son centenaire, ne va pas servir seulement de courroie de transmission entre la Palestine et l’IC, mais aussi entre cette dernière et les pays arabes environnants. Notons à cet effet que des communistes palestiniens joueront un rôle décisif dans la constitution des partis communistes d’Egypte, de Syrie et d’Irak au tout début des années 20 du siècle dernier.

Comme nous l’avons mentionné ci-haut, c’est le 2è congrès de l’IC qui va aborder de façon claire et approfondie la question palestinienne. En effet, les thèses sur la question nationale et coloniale adoptée par le congrès réservèrent une place importante à la Palestine. Le contenu du texte dénonçait sans équivoque le projet impérialiste-sioniste mis déjà en application au cœur du monde arabe.  Et cela va se traduire encore par le soutien qu’apportera l’IC non seulement au parti communiste naissant, mais à toutes les luttes menées par le peuple palestinien contre l’occupant britannique ou contre les vagues de migration massive de juifs organisées par les forces impérialistes.

Il en est ainsi par exemple de l’insurrection arabe de 1929 qui a été clairement soutenue par l’IC. La résolution que publia le Secrétariat politique du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste sur le mouvement insurrectionnel dans la nation arabe le 16 octobre 1929 le prouve bien. Ce mouvement insurrectionnel en Palestine était motivé d’une part par l’occupation britannique que par la spoliation des paysans arabes de leurs terres au profit des sionistes fraichement installés en Palestine.

Le soulèvement palestinien a été considéré comme le commencement d’une grande vague des mouvements révolutionnaires de libération des pays arabes, et qu’il fallait donc le soutenir, surtout qu’il avait très vite pris de l’ampleur et qu’il commençait à se propager dans les pays avoisinants.

Bien qu’il s’agisse essentiellement d’un mouvement paysan, et qu’il eût, dans sa phase initiale une direction plutôt réactionnaire, son caractère anti-impérialiste était suffisant pour l’IC pour le soutenir, surtout qu’il s’est agi d’un mouvement de masse.

Le soutien se matérialisait aussi par l’aide apportée au Parti Communiste de Palestine sur le plan théorique et politique pour qu’il soit en mesure de participer activement au mouvement insurrectionnel aux côtés des autres forces, sans perdre de vue les intérêts de la classe ouvrière. Les passages suivants, extraits de la Résolution du 16 octobre 1929, montrent à quel point la direction de l’IC était attentive à ce qui se passe en Palestine et dans le reste du monde arabe :

« Le PC de Palestine, ainsi que les autres sections de l’Internationale Communiste dans les autres pays arabes, doivent tirer les leçons du soulèvement. La plus urgente tâche du Parti, est de faire un effort énergique et audacieux pour arabiser le Parti du sommet à la base. En même temps, il doit faire tous les efforts pour mettre sur pied des syndicats arabes ou mixtes juifs et arabes, et conquérir et étendre ceux qui existent déjà.

Le Parti doit à tout prix éradiquer de ses rangs tout scepticisme ou passivité concernant la question paysanne. Il doit établir un programme agraire qui tienne compte des exigences partisanes des fellahs et bédouins. Le Parti doit continuer son travail parmi les ouvriers juifs organisés dans les syndicats sionistes, de même que parmi les ouvriers non syndiqués. La dénonciation du sionisme, en particulier de son aile gauche, comme une agence au service de l’impérialisme, reste comme par le passé une des tâches cardinales, et il faut se servir des leçons du mouvement pour le démontrer.

Ces tâches ne peuvent être menées à bien qu’à la condition de lutter énergiquement et audacieusement contre la déviation de droite dans le Parti, qui est appelée à se renforcer sous la pression de la terreur blanche et l’impact de la défaite temporaire du soulèvement. La déviation de droite dans le PC de Palestine s’exprime par la sous-estimation des potentialités révolutionnaires, la résistance ouverte ou latente à l’arabisation du Parti, le pessimisme et la passivité au sujet du travail parmi les masses arabes, le fatalisme et la passivité au sujet de la question paysanne, la non ­compréhension du rôle subsidiaire du rôle des camarades juifs, qui n’est pas celui de dirigeant des masses arabes, l’exagération de l’influence de la bourgeoisie réactionnaire, grands propriétaires terriens et clergé, sur les masses arabes, une attitude conciliatrice envers les erreurs opportunistes, la non-compréhension du besoin de l’autocritique vigoureuse et courageuse pour les erreurs faites, une tendance à émigrer sans l’accord du CC, ce qui est une désertion, la résistance face au slogan « Pour un gouvernement ouvrier et paysan. »

C’est à cause de cette attitude toujours claire et clairvoyante de l’IC quant à la question palestinienne que la prise de parti de l’URSS pour le partage de la Palestine en 1947, donc pour la création d’un Etat juif va être ressentie comme une déviation par les communistes arabes qui n’avaient pas trouvé les mots pour la défendre ; et ceux qui l’avaient fait, l’ont fait à contrecœur. Cette attitude allait avoir un impact négatif sur le développement des partis communistes arabes qui vont être déconsidérés aux yeux des peuples arabes, surtout quand on ajoute cela à la défaillance de ces partis sur les questions de libération nationale, laissant le leadership de ce mouvement aux partis bourgeois ou petits bourgeois.

 

Conclusion

 

Aussi peut-on dire pour conclure que l’IC a développé vis-à-vis du monde arabe une politique de soutien absolu aussi bien aux mouvements insurrectionnels qu’a connus la région qu’envers les partis communistes naissants qu’elle a appelés à s’investir activement dans la lutte pour la libération nationale dirigée jusque là par des forces bourgeoises. Le problème résidait donc dans l’application de ces politiques aussi bien par les partis communistes arabes que par les partis communistes des puissances coloniales qui n’avaient pas soutenu de façon ferme le droit de ces peuples colonisés à disposer d’eux-mêmes et à réclamer leur indépendance.

 

Parti des Travailleurs / Tunisie

Mars 2019

 

 

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                                                                                                                                                                                          Staline n'a pas quitté Moscou encerclée par les troupes nazies