Histoire du mouvement communiste international - La lutte contre les Lassalliens (Années 1860) - Ferdinand Lassalle (1825-1864) -

Procès de Liepzig - Wilhelm Liebknecht et August Bebel, fondateurs du Parti ouvrier social-démocrate d'Allemagne

Histoire du mouvement communiste international - La lutte contre les Lassalliens (Années 1860) - Ferdinand Lassalle (1825-1864)

Histoire du mouvement communiste international - Tome 1 - Origines et développement du marxisme (1848-1917) - Éditions du centenaire - Petite bibliothèque chinoise - Paris, 1978 - Changhai, 1976 - page 98

Chapitre 5.  La lutte contre les Lassaliens

Les Lassaliens représentaient un courant opportuniste qui surgit en Allemagne vers le milieu du XIXe siècle.  Au début des années 60, le développement du capitalisme s'accéléra dans ce pays et les contradictions de classes s'y accentuèrent de plus en plus ; le mouvement ouvrier en plein essor réclamait d'urgence la création d'une organisation plitique ouvrière indépendante.  En mai 1863 fut fondée l'Association générale des travailleurs allemands, dont Lassalle usurpa la présidence, faisant de sa doctrine la ligne directrice de cette organisation.

Ferdinand Lassalle (1825-1864) était originaire d'une famille prussienne de commerçants en soies.  Au cours de la révolution de 1848, il entra en contact avec la «Gazette Rhénane» et fit la connaisance de Marx.  Depuis lors, il fit tout pour se déguiser en socialiste sincère, se parant souvent lui-même du titre d'élève de Marx.  Au début des années 60, il s'infiltra dans le mouvement ouvrier et publia deux brochures : «Recueil pour les ouvriers» et «Réponses publiques» (14), qui ne sont que des plagiats du Manifeste, dont il copia frauduleusement certaines idées et certains passages.  Lassalle ne fut jamais un vrai marxiste, mais bien en contre-révolutionnaire déguisé, un agent de l'ennemi et un traître à la classe ouvrière infiltré dans les rangs révolutionnaires.  Il vendait sous de fausses couleurs tout son fatras de théories, de programmes et de tactiques opportunistes.

  Lassalle méconnaissait totalement l'État comme instrument d'une classe pour en opprimer une autre ; il pensait au contraire que l'État était au-dessus des classes, qu'il constituait «un instrument pour éduquer la société humaine et la faire avancer vers la liberté».  D'après lui, il aurait suffi d'établir le suffrage universel, égalitaire et directs, pour transformer l'État autocratique bourgeois en un État populaire libre.  Pour lui, l'obtention du suffrage universel était la clé de l'émancipation de la classe ouvrière ; il s'opposait ainsi de toutes ses forces à la révolution violente ainsi qu'à la dictature du prolétariat.  Il traitait calomnieusement toutes les classes laborieuses autres que la classe ouvrière de «masse réactionnaire» et sabotait la cause de la révolution en s'opposant à l'alliance entre les ouvriers et les paysans.  Il avait aussi tiré de la théorie démogratique [A.A. - sic - démographique] de Malthus la «loi d'airain des salaires» selon laquelle la misère de la classe ouvrière était déterminée par des lois naturelles, donc sans remède; en foi de quoi il s'opposait à ce que la classe ouvrière luttât pour son émancipation, et pressait le prolétariat de s'en remettre à l'«action socialiste directe» de l'État prussien pour acquérir son émancipation économique.  Marx et Engels combattirent résolument les Lassaliens.  Quand, en 1862, Lassalle rencontra Marx à Londres, ce dernier lui dit en toute franchise que «c'étai un non-sens de croire que l'État prussien puisse entreprendre une action socialiste directe (15)».  Engels indiqua de son côté que «tout le socialisme de Lassalle consistait à insulter les capitalistes tout en flattant les junkers (16) prussiens rétrogrades (17);

Par sa ligne opportuniste, Lassalle recourait ouvertement à la protection de la monarchie prussienne; il encensait impudemment le plus haut représentant de l'aristocratie des junkers prussiens, le chancelier «de fer et de sang» Bismarck.  À partir de 1863, il établit avec celui-ci une abondante correspondance et des conversations secrètes au cours desquelles tous  deux pouvaient tramer leurs intrigues.  En vendant ses services à Bismarck, Lassalle devint définitivement un agent de l'ennemi et un traître à la classe ouvrière.  Dans une lettre du 11 juin 1863, Engels exprimait déjà sa crainte que «Lassalle ne travaille actuellement tout à fait pour le compte de Bismarck (18) et Marx devait déclarer deux ans plus tard «que Lassalle, en fait, avait trahi le Parti (19).

Pour Marx et Engels, la victoire contre les Lassalliens dépendait de la possibilité de gagner les masses et de les éduquer.  Or, l'Association générale des travailleurs allemands, fondée et dirigée par Lassalle, tomba, après la mort de celui-ci, ux mains de ses disciples.  Malgré tout, l'Association générale restait à l'époque la première organisation natonale indépendante de la classe ouvrière allemande; c'est pourquoi Marx et Engels insistèrent pour qu'elle fît partie de la Première Internationale, dans l'espoir d'influencer la classe ouvrière allemande à travers l'Intenationale et de permettre au mouvement ouvrier allemand de se débarrasser des Lassalliens et, avec eux, des entraves qui gênaient son plein développement.  Mais les partisans de Lassalle, prenant prétexte d'un décret du gouvernement prussien interdisant l'appartenance à une organisation étrangère, essayèrent par tous les moyens d'empêcher l'entrée de l'Association ge'nérale dans la Première Internationale.  Marx et Engels décidèrent alors de passer par-dessus les dirigeants de l'Association générale et de se mettre en contact directement avec les éléments avancés de l'organisation pour les aider à lutter contre les Lassalliens.  Les premiers à prendre parti pour les idées de Marx et Engels et à affronter les Lassalliens furent Wilhelm Liebknecht et Auguste Bebel.  Ils entreprirent un gros travail au sein de l'Association générale pour unir autour d'eux ses membres d'avant-garde.  En 1867, les marxistes quittèrent l'Association générale.  En août 1869, sous la direction de Liebknecht et de Bebel, ils tinrent à Eisenacht un Congrès national des organisations ouvrières d'avant-garde et fondère le Parti ouvrier social-démocrate d'Allemagne (eisenachiens) qui élabora son propre programme à partir des principes de la Première Internationale, dont il se proclamait la section allemande.  La fondation du Parti ouvrier social démocrate d'Allemagne fut une grande victoire des marxistes sur les Lassalliens.  Pourtant, l'influence de ces derniers dans le mouvement ouvrier n'avait pas encore totalement disparu et, dans les années 70, Marx et Engels poursuivirent encore une lutte inlassable contre eux.

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(14) Il s'agit de la «Réponse publique au Comité central à propos de la convocation d'un congrès général des ouvriers allemands à Liepzig» (N.d.T).

(15) K. Marx, «Lettres à Kugelmann», p. 35. E.S.

(16) Junker : du mot all. Jungherr «jeune seigneur».  Hobereau allemand (N.d.T). [A.A. : hobereau : (1) faucon de petite taille qui se nourrit essentiellement d'hirondelles et de petits rongeurs; (2) (1539 - péj.) Gentilhomme campagnard de petite noblesse, qui vit sur ses terres [ dictionnaire Le Petit Robert]

(17) F. Engels, «Présentation du livre 1 du "Capital" pour le "Beobachter"», Marx/Engels Werke, Bd. 16, S. 227.

(18) K. Marx, «Lettres à Kugelmann», p. 36. E.S., note 4. E.S.

(19) K. Marx, «Lettres à Kugelmann», p. 36. E.S.

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